lundi 2 mars 2009

L'église Saint Jacques de Illiers-Combray


Le souvenir de Marcel Proust et du pèlerinage de Compostelle.
L’œuvre de Marcel Proust (1871-1922) est en partie née de ses souvenirs dans ce bourg d'Eure-et-Loir, aux confins de la Beauce et du Perche. Son père était le fils d'un commerçant d'Illiers. Le petit Marcel (dont ici le nom se prononce Prou) a passé ses vacances à Illiers, et se souviendra plus tard de ce moment où sa tante lui donnait une madeleine trempée dans son infusion (sa maison, à deux pas de l'église, se visite). L'opposition entre le côté de Guermantes et celui de Swann est-il celui entre le Perche et la Beauce ? Beaucoup de détails d’llliers l'ont inspiré, le romancier changeant plus ou moins les noms.
Ainsi, Illiers devient Combray ; et pour le centenaire de la naissance de l'écrivain, les deux noms ont été accolés. Mais le nom de notre commune n'est pas absent d'À la recherche du temps perdu: Illiers vient d'Hilaire, évêque de Poitiers au V°s., et, l'église de Combray s'appelle St-Hilaire pour Proust, ce qui n'est pas si faux, car autrefois une église existait à Illiers sous ce nom .
L’église d’Illiers est consacrée à St Jacques le Majeur, fils de Zébédée et de Marie Salomé, frère de St Jean (auteur du quatrième évangile). Il est l’un des douze apôtres, c'est-à-dire un des plus proches compagnons de Jésus. Son tombeau se trouve en Espagne, à Compostelle, lieu d'un célèbre pèlerinage. Une des routes de ce pèlerinage passe ici, la via turonensis, ou chemin de Tours, ce qui a sans doute donné son nom à l'église actuelle.
Cette église a été construite en 1497 grâce à la générosité de Florent d'Illiers, compagnon d'armes de Jeanne d'Arc, sur l'emplacement d'une église romane détruite pendant la guerre de Cent Ans comme bien d'autres églises de la région.

À l'intérieur, une splendide charpente.
En entrant, vous êtes saisi par la grandeur et le charme de ce lieu de prière. Tout de suite à gauche, sur le montant intérieur de la porte, vous trouvez le bouton d'une minuterie pour éclairer la voûte .
L'intérieur est typique de la région: un vaste vaisseau rectangulaire, sans pilier et terminé par chevet plat percé d'une grande baie à quatre meneaux.

Une seule chapelle, à droite: en fait, la base du clocher.
La charpente est remarquable. Elle est d'un modèle très fréquent dans la, région, mais c'est l'une des plus belles. Elle présente des entraits (poutres horizontales) et des poinçons décorés. Vous remarquerez aussi les têtes des « rageurs» à l'extrémité des entraits. Ses inscriptions indiquent les dates de sa construction (1453-1497) et les noms des gagiers de l'époque, qui étaient des laïcs élus pour gérer la paroisse.

Les Vitraux

Le grand vitrail derrière l'autel date de 1867. Dans les lancettes, au milieu, le Christ.
Que je l'aimais, que je la revois bien, notre église. Ses vitraux ne chatoyaient jamais tant que les jours où le soleil se montrait peu, de sorte que, fit-il gris dehors, on était sûr qu'il ferait beau dans l'église; l'un d'eux était rempli dans toute sa grandeur par un vrai personnage pareil à un Roi de jeu de cartes, qui vivait là-haut, sous un dais architectural, entre ciel et terre. (À la recherche du temps perdu , Du côté de chez Swann)
Le Christ est entouré de St Jacques en costume de pèlerin et de St Hilaire, avec à gauche Miles d'Illiers, évêque de Chartres, et à droite son frère Florent d'Illiers en armure. Mais Proust lui a fait subir un mauvais sort: il devient « Gilbert le Mauvais» dans son œuvre.
Les archéologues arrêtés par hasard à Combray et qui devant le vitrail de Gilbert le Mauvais auront la patience de lire le guide du curé. (À la recherche du temps perdu, Le côté de Guermantes)
Mais j’espère que vous n'êtes pas lassés par le guide du curé! Même, peut-être voudrez-vous voir le château de Guermantes, qui n'est autre que celui de Villebon.
Les autres vitraux sont modernes: ils ont été installés après les destructions de la dernière guerre. Ceux de gauche sont consacrés à la Vierge Marie, ceux de droite à St Jacques, patron de cette église.
Des très beaux exemples de sculpture sur bois.
Avec la charpente, le plus bel ornement de cette église est le retable monumental, comme il convient au lieu de la célébration de la messe. C'est là aussi qu'est conservée l’Eucharistie, comme l'indique la petite lampe rouge. Superbe pièce du XVII°s, il est orné de colonnes corinthiennes, des statues de St Jacques et de st Jean Baptiste ainsi que d'un tableau représentant une scène de l'Évangile: Marie Salomé demande à Jésus que ses deux fils, dont St Jacques, aient plus tard les meilleures places au Paradis. Un curé d’Illiers, que Proust avait bien connu et qui est devenu l'abbé Perdreau dans Du côté de chez Swann, pourra écrire au sujet de ce tableau:
Que ce soit pour nous une leçon efficace de modestie et d'humilité. Au lieu d'exiger qu'on nous rende des services, ne rougissons pas de servir le prochain; regardons-nous comme les derniers de nos frères : c'est le moyen, suivant la promesse du Sauveur, de devenir un jour les premiers. (Abbé Marquis, bulletin paroissial de juin 1909).
Il faut aussi admirer, sur la gauche, le banc d'œuvre en cœur de chêne imposant et harmonieux, il est une superbe réalisation de l'époque de Louis XIV. Dans les cartouches, vous voyez les attributs des pèlerins de St Jacques de Compostelle (cette église est sur le chemin du pèlerinage) : bourdon (ou bâton), besace, chapeau et coquille (à la fin du pèlerinage de Compostelle, les pèlerins allaient jusqu'à l'océan et ramassaient des coquilles, que l'on a dès lors appelées coquilles St-Jacques). n était destiné aux gagiers, dont nous avons déjà parlé.
En face, la chaire est un beau travail de la même époque, plein de finesse.
Un siècle après avoir installé le retable, le banc d'œuvre et la chaire, l'église a été dotée de boiseries, rythmées par des pilastres. Les bancs clos, eux, ont été réalisés dès l'époque de Louis XIII et jusqu'à ta fin du XVIII°s À gauche du banc d'œuvre, le banc capitonné était celui de la famille de Marcel Proust. Dans le chœur, les panneaux de boiserie encadrent des toiles du XVIII°s. À gauche, vous voyez les évangélistes St Jean et St Marc, avec des scènes de l'enfance de Jésus: annonciation, nativité, adoration des mages et baptême. À droite, ce sont les évangélistes St Luc et St Matthieu, avec d'autres scènes: descente de croix, les apôtres et st Thomas après la résurrection (avec aussi le martyre de St Jean Baptiste, une toile plus ancienne, peut-être du XVII° s., sans doute une restauration un peu maladroite ), ascension et pentecôte.
Le décor du sanctuaire se complète de deux bancs coffres, sans doute très anciens (début XVlle s. ?) ; d'un beau lutrin et d'un chandelier pascal d'époque Louis XIV en bois finement sculpté; de stalles et d'une clôture aux balustres polis par les ans, formant un bel ensemble.
La chapelle de la Vierge
Elle correspond à la base du clocher tour. Elle a reçue à la fin du XIX° s. une décoration (sculptures et peintures) consacrée à la Vierge Marie.

Et avant de sortir ...

Devant la petite porte d'entrée une pierre tombale plutôt émouvante. C'est celle de Pierre Biet, vicaire dans cette paroisse, mort à 25 ans, en 1727, après" avoir été prêtre six mois ...
L’extérieur
La façade mêle gothique flamboyant et renaissance. Le portail XV°s est
partagé en deux par un trumeau orné de moutures et d'une niche sculptée contenant une statue de la Vierge Marie, accompagnée des blasons de Florent d'Illiers, compagnon d'armes de Jeanne d'Arc, et de Jeanne de Coutes, son épouse, sœur du page de Jeanne d'Arc.
Sur la place, le mur nord avec ses massifs contreforts et ses petites fenêtres bouchées est de la fin du XI° s. : c'est un reste de l'église précédente. Il s'orne d'une belle porte romane en grison, la pierre locale.
La tour du clocher est assez célèbre. C'est un peu le symbole d'llliers -- ou de Combray --, et les passionnés de Proust ont rendu son image célèbre dans le monde entier. Il est massif, soutenu par des contreforts. Il impressionne un peu. Sa corniche à huit redans, des sortes de corniches moulurées et de forme curieuse: ils étaient prévus pour supporter les piliers d'un clocher en pierre: la construction aurait dû être plus haute encore ....

Pour aller plus loin
.Inventaire monumental des édifices religieux du canton d'Illiers-Combray, BI4JJetin
de la Société archéologique d1Eure-et-Loir, n. 9, 3e trimestre 1985 (description de l'église)
_ Chan. Joseph Marquis : Illiers, 1907 (rééd. 2004 par Le livre d'histoire-Lorisse; histoire et description par le curé--doyen dd’Illiers) .
_ P.-L. LARCHER: Le temps retrouvé d'Illiers, S. D. (histoire et description très fouillées d'Illiers avec des renvois vers t'œuvre de Proust)
_ P.-L. LARCHER: Le parfum d eÇombray : Pèlerinage proustien à ll/iers, S.D.(une visite d'Illiers et des lieux proustiens avec l'œuvre de Proust)
_ Marcel Proust et la magie de Combray, 1971 (une évocation des lieux qui ont marqué Proust et que l'on retrouve dans son œuvre, Il lllicrs et dans les environs).
).,
Ces livres sont en vente à l’Officede Tourisme d’Illiers.
.Merci à l'Office de tourisme pour son aide et sa documentation

1 commentaire:

  1. Illiers est plus ancien que ses 2 églises paroissiales. Votre étymologie serait donc à revoir.

    RépondreSupprimer